Le jeudi 8 Avril était une journée fertile en activités puisque Pierre Anne nous faisait
le plaisir de présenter ses livres et un peu plus avec humour et bonhomie au local du gouverneur quand, au même instant, Michel Bersot entraînait quelques adhérents
pour une visite d’entreprise à Vire. Dur, dur le choix !
C’est donc devant une salle comble et conquise d’avance que Pierre expose,
avec un plaisir non dissimulé, les raisons qui l’ont amené à écrire ses deux livres
« Des cailloux plein les poches » et « Adieu billes et culottes courtes » :
« La réponse est toute simple J’ai l’impression d’avoir vécu au moyen
âge et qu’il y a eu une accélération de la technique. J’ai voulu en
témoigner pour mes petits enfants. »
Animateur, avec Eric Drudi, de l’atelier d’écriture à AVF, il ne manque pas
l’occasion de montrer, exemples à l’appui, comment ses deux ouvrages ont été
construits :
« Les deux livres sont composés de la même manière : il y a un événement
qui nous fait découvrir la vie dans les années quarante et il y a une chute
pour distraire le lecteur ! »
Ainsi, lorsqu’il parle de sa naissance au début de l’année 1938, dans son premier
livre, on apprend que :
« La contraception n’existait pas … l’accouchement se passait à la maison ..
et il y avait beaucoup d’enfants » d’où la question que se pose légitimement
un gosse « Pourquoi les familles nombreuses sont-elles l’apanage des
gens modestes ou pauvres ?»
Toujours dans son premier livre, il évoque le caractère sacré du pain
(son père était meunier) :
« le pain se gagne à la sueur de son front et non couché sur le dos.. »
« il n’était pas question de baguettes mais de gros pains de 4 ou 6 livres
et même de 12 livres.. » « on pesait le pain devant le client et on complétait
avec une tranche prise dans un autre pain pour assurer le poids exact.. »
« La farine fournie par le moulin aux boulangers n’était pas blanche mais
grise parce qu’on incorporait du son conformément à la loi : elle avait une
teinte légèrement jaunâtre parce qu’on y ajoutait de la farine de maïs
provenant des Etats-Unis dans le cadre du plan Marshall.. » ce qui fait
dire à l’auteur « Blé se dit Corn en anglais mais, hélas, Corn en américain
signifie Maïs … voilà pourquoi pendant des années nous avons mangé
du pain à la mie jaune à cause d’une erreur de traduction ! »
En bon pédagogue, Pierre sait qu’un discours, aussi intéressant soit-il, doit être
accompagné d’exemples concrets et tangibles si nécessaire. C’est pourquoi il
a prévu de nombreux objets qu’on peut voir sur la photographie ci-dessus, une
bottine à semelle de bois, un battoir, un peson à aiguille, une gamelle ou
encore cette lessiveuse en fer galvanisé ainsi que divers outils etc.., bref un
inventaire comme l'aurait aimé Prévert.
Grâce à un mécanisme mystérieux de la mémoire qui ne retient que les bons
souvenirs de notre jeunesse (sauf ceux liés à des traumatismes mais que la
résilience chère à Boris Cyrulnik atténue au fil du temps) ces objets rappellent,
à coup sûr, des épisodes de l’enfance ou de l’adolescence des auditeurs ici
présents. Citons encore ce passage sur la tenue des écoliers :
« La tenue normale d’un écolier était la suivante : une paire de galoches
à semelles de bois dans lesquelles on plantait des clous pour éviter l’usure
trop rapide des semelles, une paire de cauches qu’on maintenait avec un
élastique, une jupe pour les filles et un pantalon qui descendait jusqu’aux
genoux pour les garçons, un pull et, par-dessus tout cela, la blouse noire
qu’on lavait avec de l’eau dans laquelle on avait mis du lierre à tremper
(cette plante ravivait parait-il, les couleurs). Il aurait fallu poser la question
à la mère Denis ! » on ne s'en lasse pas..
Concluons sur cette note d’humour dont Pierre a le secret. Les deux livres
contiennent, à travers les anecdotes et les descriptions savoureuses, une foule
de renseignements sur les habitudes de vie d’une époque pas si lointaine
qu’un ethnologue avisé pourrait certainement utiliser.
Pour rebondir sur les raisons qui ont poussé Pierre à écrire, on peut s’interroger
sur le fait incontestable que la société subit parfois des accélérations brutales
dans son évolution quand une guerre, avec son lot de morts et de dévastation,
vient à traverser une région ou un pays. Est-ce le contact plus ou moins brutal
avec une civilisation au mode de pensée différent, l’ouverture au monde et
l’adaptation nécessaire à sa propre survie pendant une période troublée..?
Merci à Alain Bondino (qu’on peut voir sur la photo ci-dessus présenter la
conférence ou remercier le conférencier, c'est comme vous le sentez) qui
organise ces conférences appréciées de toutes et de tous.
Il va sans dire mais c’est mieux en le disant qu’il faut absolument lire le
deuxième livre de Pierre.
« Adieu billes et culottes courtes »